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Peintre, sculpteur et philosophe, le Suisse François Monthoux est l’artiste à découvrir dans le prochain épisode d’Art tout cru, la rubrique de La Tribu du Vivant consacrée aux arts sauvages… Mi-Gaudi, mi-Tolkien le bâtisseur autodidacte élève en pleine nature des cités éphémères. En 2022, il façonne dans une rivière son Château d’argile. Le revoici, édifiant à flanc de forêt sa Grande Citadelle. Un dédale de tourelles baroques, grouillant d’êtres symboliques...
Après sa citadelle d’argile, l’artiste polyvalent François Monthoux envisage de créer une ville moins éphémère. Rencontre avec un solitaire
Une extraordinaire citadelle d’argile miniature a vu le jour cet été, au bord de la rivière du Toleure, à Bière dans le canton de Vaud. Une construction d’inspiration gothique éphémère, hérissée de tours, avec ses fortifications, ses ponts, ses venelles, ses arches, ses figurines et ses symboles. L’œuvre, largement médiatisée y compris hors de nos frontières – des articles ont même paru dans des journaux chinois et indien – a été réalisée par François Monthoux. L’artiste polyvalent y a consacré tout son été, façonnant cette ville poétique, procédant à des agrandissements et à des réparations à la suite des attaques des éléments ou encore échangeant avec les nombreux curieux. «J’ai commencé par réaliser un escalier, sans savoir où il me mènerait», explique le Vaudois qui, de fil en aiguille, se laisse emporter par son inspiration, sans but ni plan préalables. «J’ai ajouté des bâtiments, une cathédrale comme lieu de pouvoir, le quartier du port, etc. Je m’intéresse à la généalogie, à l’histoire des peuples, en particulier du Moyen Age. Et me suis projeté dans la vie des personnes qui habitaient cette cité, dans d’autres structures mentales», poursuit ce concepteur en multimédia de formation, qui s’est totalement investi dans son travail malgré sa disparition annoncée. Et qui en gardera des traces filmées. «Cette ville avait de valeur, car je lui en ai donné», poursuit l’artiste de 28 ans, tout en insistant sur l’importance, dans sa démarche, du personnage du Fou protégé de la raison, au risque qu’elle ne lui rogne les ailes... Un concept qui reviendra souvent dans sa bouche.
En quête de vitalité
Pour le Vaudois, la raison seule met en effet à mal le processus créatif. Et menace de tuer dans l’œuf les idées naissantes. Une approche qu’il s’agit de museler au profit d’un savoir beaucoup plus intuitif quand bien même elle s’avère impérative. «Pour construire cette citadelle, il m’a fallu la rigueur du professeur et devenir le fou qui danse sur les rochers», image François Monthoux, féru de philosophie – il évoquera souvent Nietzsche – et de psychologie. «Si la raison seule est privilégiée, on produit de la règle, de l’uniforme, des cubes inertes de béton, du néant... Dans le cas inverse, du chaos. Il faut recourir à ces deux forces antagonistes sans qu’elles ne se détruisent. Leur jonction, c’est la vitalité. C’est ce que je recherche dans mes créations», ajoute encore, à grand renfort de gestes, le jeune homme intarissable sur ces questions. Une réflexion que l’on pourrait grossièrement résumer à la nécessité de garder son âme d’enfant. Non sans garder en tête que les croyances dont nous héritons, présentées comme des vérités absolues, ont évolué au gré des époques et de l’impermanence des systèmes de pensée dans des contextes donnés... Et cela alors que François Monthoux confie une «fascination romantique» pour la féodalité lui qui se méfie des grandes entités politiques. Cet attrait pour cette période historique trouve un écho dans nombre de ses œuvres. «Je trouve particulièrement intéressant d’explorer d’autres modèles de sociétés. De quoi aussi relativiser notre démocratie libérale.»
Expression de son être intime
Outre la sculpture, François Monthoux recourt à plusieurs supports artistiques et médias différents comme le dessin, la peinture à l'acrylique, la vidéo et les jeux vidéo. Autant de moyens soutenant son questionnement sur le monde et un imaginaire débridé où d’étranges créatures ésotériques côtoient des machines infernales; où des armées de chevaliers croisent robots, monstres et insectes constituant une source inépuisable d’inspiration. «J’apprécie de les observer, en particulier les fourmis et leur manière de vivre en société. Des aspects de leur existence ressemblent à la nôtre.» Rien d’ailleurs ne ressource plus ce solitaire, aussi intéressé par la biologie, que de se balader dans la nature, lui qui voue une passion particulière aux prairies sauvages. Et aime retourner cent fois au même endroit, histoire d’affiner son regard, de suivre l’évolution de la végétation et de prendre toute la mesure de la temporalité. Ce tragique, comme il se qualifie lui-même, trouve dans ces échappées en solo une intensité accrue. «Je n’ai pas pour autant de blocages avec les humains. Mais seul, en l’absence de pression sociale – même si en vieillissant on la subit moins – on peut être entièrement soi-même.» A ses yeux, l’art a quant à lui vocation de permettre à l’«expression intime» de son être de s’extérioriser. Une personne complexe, sensible, traversée par des questions existentielles sur la vie, sa finalité, le beau, la valeur accordée aux choses... qui craint non pas la mort mais le néant de la vie, non pas le scepticisme et les doutes, mais l’uniformisation de nos comportements, de nos langues, etc. Pas de quoi paralyser pour autant ce penseur, bien au contraire.
Le bâtisseur de citadelles éphémères récidive Le sculpteur autodidacte François Monthoux a réalisé, en lisière de forêt près de Bière, une nouvelle ville gothique en argile qui rêve de passer l'hiver. Fascinant. Yann Girard Texte Jean-Guy Python Photos Il n'en est pas à son coup d'essai, François Monthoux, mais son génie fascine toujours autant quand on se retrouve nez à nez avec sa nouvelle création en argile. L'artiste de Bière s'était déjà illustré en 2022 aux abords du Toleure, la rivière prenant sa source entre Bière, Gimel et Saubraz. Cette œuvre avait attiré un large public grâce au bouche-à-oreille. Le sculpteur, fan de l'époque médiévale, avait, en effet, construit une citadelle d'inspiration gothique dans le lit du cours d'eau vaudois: «Je suppose que mon instinct a été guidé par mes intuitions. En réalité, je marchais dans la rivière et j'ai touché cette matière que j'ai ensuite posée sur un rocher. J'ai débuté par former un escalier et, ensuite, c'est toute une cité qui s'est bâtie progressivement sans aucune préméditation ni plan», s'exprime celui que ses concitoyens surnomment «l'artiste vagabond». Avec sa première, François Monthoux a fait le tour du monde: dans la presse internationale jusqu'à la télévision chinoise. Las, les intempéries et la montée des eaux ont eu raison de sa première citadelle, vaincue par les flots. Concept plus durable Loin de se décourager, le jeune homme de 29 ans vient de réitérer l'exercice en contrebas de la route du Marchairuz, où il a édifié une nouvelle cité gothique avec, cette fois-ci, un composant supplémentaire pour que les bâtiments se maintiennent durant l'hiver: «Je ne cherche absolument à ce que ma citadelle dure dans le temps, mais j'ai tout de même ajouté un peu de ciment. Et, qu'elle tienne ou non, elle gardera autant de valeur à mes yeux.» François Monthoux, qui est d'abord passé par le domaine de la communication, a toujours été féru de sculpture, de peinture et d'architecture. «Adolescent, je créais déjà des formes avec ce qui me tombait dans les mains. Je me suis aussi beaucoup inspiré de la nature qui entoure mon village. Avec une fascination pour les fourmilières et ces petits êtres qui bâtissent instinctivement des structures énormes dans lesquelles des sociétés s'établissent, un peu comme pour nous autres, les êtres humains». Une âme de bénédictin Pour bâtir ses œuvres, il se base en général sur des monuments historiques, à l'image de la cathédrale de Lausanne, en juxtaposant son savoir manuel, ses connaissances de l'histoire et son amour de la philosophie. «Je laisse mon esprit créateur prendre le dessus et m'isole dans la nature afin d'être guidé. Je ne veux pas être soumis à l'idée des autres et, au lieu de reproduire ce qui a déjà été fait, je tente de sortir des sentiers battus afin d'exprimer, au travers de mes œuvres, un peu de ma personnalité», détaille l'autodidacte. Toutes ces réalisations sont produites à ses frais et il se procure la plupart des matériaux dans les bois et ses alentours. Le sculpteur birolan, par ses œuvres, entend expliquer à la population l'importance d'écouter son être et de respecter l'environnement dans lequel les êtres vivants coexistent. Plus d'infos sur: www.francois-monthoux.ch
François Monthoux porte des mitaines, un pantalon brun et un blouson qui semble avoir vécu douze hivers. Dans ses bottes en caoutchouc vertes. le jeune homme de 28 ans marche avec une aisance déconcertante sur la glace. alors que la pluie givrante bat son plein en ce mardi après-midi d'avant verglas. En prenant la direction de la forêt située sur les hauts de Bière. il affiche un large sourire qui fait ressortir sa douceur atta-chante. En montant. il s'arrête brievement pour prendre de la neige et jouer avec. La nature. c'est son élément. Puis. il mar-que un temps d'arrêt plus long. «Regardez. il y a un renard qui traverse les plaines, s'exclame-t-il. enjoué. Au loin, une sil-houette se fond dans les paysa-ges enneigés du pied du Jura. Pas fan de l'hiver L'hiver n'est de' loin pas sa sai-son préférée. « y a quelque chose de très minéral et les insectes, qui me passionnent. sont absents à cette période de l'année.. poursuit l'artiste, nommé pour le titre de «Personnalité La Côte.. Il préfère clairement le printemps et l'été, quand la nature foisonne et l'inspire dans ses peintures et ses sculptures. Parfois. il utilise même les éléments naturels pour créer. Cela a été le cas, cet été, sur les bords du Toleure entre Bière et Saubraz. De ses mains, il a sculpté une incroyable citadelle d'argile...
Alors qu'il prélevait d'ordinaire l'argile pour façonner
des statues, cette année, pour
la première fois, il s'est installé
dans cetenvironnement bucolique et chantant. Impossible de
dire comment tout cela a commencé. Les raisons de l'art sont
souvent obscures. «Je ne savais
pas où j'irais en me lançanb,
confie-t-il. Ce qui est sûr, c'est
que tous les jours depuis quatre semaines, ce concepteur en
multimédia de formation vient
au chevet de sa cité extraordinaire. Poursuivant sans relâche un travail d'édification et
de colmatage contre l'implacable force des éléments. «ll y a
déjà eu un orage destructeur
qui a rongé des détails comme
les arches», confie-t-il.
Comme un échopour l'éternité
Certaines tours de garde se fissurent, elles aussi, et plusieurs
éléments d'architecture ont
été endommagés. Qu'’à cela ne
tienne, vêtu de chaussures de
plongeur et d'un short en lambeaux, François Monthoux va
collecter de l'argile dans le lit
de la rivière en aval, le mélange à de l’eau dans un petit
sceau et lisse la structure.
La nature éphémère de l'ouvrage ne le chagrine pas plus
que ça. «Le fait que ce soit
voué à être détruit bientôt
n'est pas grave, parce que
nous aussi nous disparaîtrons.
Et puis, si ça a existé une fois,
ça restera comme un écho
pour l'éternité.»
La réflexion philosophique
au grand air
On sent que l'enfant de Bière a
potassé/et médité les grands
problèmes de l'existence. Sur
les bords du Toleure, il évoque
le matérialisme de Lucrèce, le
vitalisme nietzschéen ou la
symbolique médiévale où il a
puisé pour illustrer un jeu de
tarot.
Mais c’est un autre courant de
pensée avec lequel il s'est découvert des affinités à force de
s'immerger dans la nature. «Je
suis quelqu'un d'assez romantique, remarquet-il L'inexorabilité du temps, l'attachement
y il
idéalisé au passé, la passion
des ruines, l’aversion pour la
raison et les Lumières, je me
reconnais là-dedans.»...
Il a suffi d'un instant pour que le Toleure ne redéfi nisse les contours de la citadelle d'argile de François Monthoux, à Bière. C'était sa medi, au lendemain d'une nuit d'orage. «En 20 secondes, l'eau est montée de 20 à 30 centimè tres, raconte l'artiste. La plupart des ponts, des sculptures et les quartiers bas ont été arrachés. Mais visuellement, il reste beaucoup de choses.» Le jeune homme le savait de puis qu'il s'est mis à l'ouvrage, il y a plus de deux mois au bord de la rivière: un jour, son œuvre serait aux prises avec les éléments. Miaoëût, juste avant l'arrivée annoncée de la pluie, il avait protégé sa cité à l'aide d'une bâche afin de préserver l'essentiel Le weekend dernier, il avoue avoir été surpris par l'intensité des intempéries: seules impossible à contrer. qui a provoqué le plus de dommages. Etrangement, je suis plutôt heureux qu'il se passe quelque chose, que mon château vive. Même si j'aurais préféré que ce ne soit pas détruit.” Certes. la nature a repris ses droits. Mais elle a aussi irrigué la créativité de François Monthoux. «Etrangement, je suis plurôt heureux qu'il se passe quelque chose, que mon chäteau vive, même si j'aurais préféré que ce ne soit pas détruit. expliquetil Quand le niveau monte, je dois sauter dans la rivière pour aller chercher les morceaux de bois et les bateaux. il se passe des choses.» Le monde entier en a parlé Ce regain. il en avait besoin. Depuis la parution d'un premier article dans «La Côte», le 26 juillet, il s’est retrouvé pro pulsé sur le devant de la scène. Aux médias locaux ont succé dé des journalistes de l'agence de presse Reuters. dont les images ont été reprises un peu partout En Chine, en Espagne, en Inde, en Indonésie, en Turquie, aux Etats-Unis, au Japon: d'un bout à l'autre de la planête, on a parlé de lui et de son œuvre.
François Monthoux s’est lancé dans une œuvre originale et éphémère au bord du Toleure, au pied du Jura. Gare aux averses. D'habitude, François Monthoux manie le pinceau et l’acrylique. Mais de temps à autre, il pose ses outils et travaille l'argile qu'il ré colte dans la rivière du Toleure: «L'été, je réalise de petites choses, des têtes ou des personnages en ar gile que je ramène chez moi. Mais cette fois, j'ai eu envie de faire quelque chose de plus volumineux, qui resterait sur place.» C'est en s'enfonçant un peu dans la forêt entre Bière et Saubraz que l’on découvre l'impression nante réalisation du Birolan. Sur un énorme rocher trône une véri table cité d'argile aux nombreux toits gris qui fait penser au Moyen Âge. «il y a effectivement des inspirations médiévales, avec ces forti fications, cet aspect gothique», dé taille l'artiste de 28 ans. François Monthoux a pris un rythme précis depuis plus d'un mois. Il se rend au Toleure tous les après-midis et y reste parfois jusque très tard. «Parfois il est mi nuit quand je rentre. Dès qu'il fait trop sombre, je ne me focalise pas sur les détails, je réalise plutôt de l'avance pour le lendemain en pro fitant par exemple de ramasser de l'argile pour pouvoir directement m’atteler à la construction lorsque je reviens.»
La ville éphémère disparaîtra à mesure que l'eau coulera sur ses contours.
Découvrez la structure monumentale en vidéo en scannant le code QR ci-contre.
Il érige une cité d'argile au bord de la rivière
BIÈRE (VD) Il a fallu un mois à François Monthoux pour façonner sa dernière œuvre: une
imposante sculpture médiévale au bord du
Toleure, a révélé «La Côte». «Je ne me sers
de l'argile que je trouve dans l’eau», nous a expliqué cet artiste féru de châteaux et de cathédrales. Sa création s'étend sur plusieurs rochers, et contient tout ce qui composait la vie d’alors.que Que les curieux se dépêchent pour aller la voir:
ce colosse est fait d'argile, il se détériore vite.
LSAUBRAZ, Switzerland, Aug 13 (Reuters) - Swiss artist Francois Monthoux's annual project to build clay sculptures on the banks of Switzerland's Toleure river has sprawled into a captivating castle complex this year as the drought afflicting Europe allows him to extend his dream world. Monthoux began this year's project with modest ambitions six weeks ago but the drought allowed him to build an entire city of spires. Now he has mixed feelings: he wants it to rain, but is sad at the thought of his dream world disappearing when it does. "I imagine the life of the people walking under the arches, under the bridge, looking at the monuments, looking at the city," said Monthoux, who works with clay from the dried bed of the Toleure river in the Vaud canton in western Switzerland. "So, I enter a bubble, and I become a dreamer ... I see their world being created under my fingers," he added. Monthoux, a nature lover, says he is sad to see plants dying all around him and "it would be a catastrophe" if an enduring drought meant he could keep going with the project for years. At the same time, he knew from the outset it was temporary. "Of course, I'm a little bit sad, because I'm sad that the form I gave to the matter will disappear," he said. Visitors to the sculpture are enjoying it while it lasts. "I don't have words to say what I feel, because it's ... it's just sublime," said Heidi Butty, a Vaud resident.
J'ai trouvé quelque chose de magique en forêt
François Monthoux, le terroir au sens noble du terme